La CHM

Protocole de la contraception hormonale masculine en neuf questions         (J.C. Soufir)

Quels sont les hommes pour lesquels une demande de CHM apparaît acceptable ?
Les hommes (de moins de 45 ans) vivant en couple stable,acceptant que leur compagne (de moins de 40 ans) soit informée de leur demande.
• Ces hommes devraient avoir une forte motivation déterminée par :
– la préservation de la santé de la femme (contre-indications médicales, effets indésirables des contraceptions féminines) ;
– la volonté d’équilibrer la responsabilité contraceptive dans le couple ;
• dans notre expérience, sur 30 couples ayant observé la CHM comme technique contraceptive:
– dans un tiers des cas, la femme avait souffert d’infections génitales après la pose d’un stérilet.
– dans un tiers des cas, les « pilules » avaient provoquédes métrorragies, une hyperlipidémie ou des mastodynies.
– dans le dernier tiers, l’homme souhaitait partager la contraception.

Quel bilan (clinique et biologique) demander à un homme qui souhaite une CHM? Quelles sont les contre-indications à une CHM?

• l’âge : l’homme doit avoir moins de 45 ans. Au-delà de cet âge, il est proposé une vasectomie avec conservation de sperme.
• les antécédents personnels. Le traitement est contre-indiqué dans les cas suivants :
– antécédents de phlébite ou de troubles de la coagulation.
– pathologies cardiaques, hépatiques (ictère obstructif, stéatose), rénales (insuffisance rénale), neurologiques (comitialité…), respiratoires (apnées du sommeil), psychiatriques (psychoses, hyperagressivité), dermatologiques (acné…), prostatiques.
• les antécédents familiaux : cancer de la prostate (un cas de parent au premier degré — père, frère — ou deux cas d’apparentés du deuxième degré) .
• par ailleurs, l’homme ne doit pas :
– présenter d’intoxication tabagique (plus de 5 cg/j) ou alcoolique

– être traité par des médicaments modifiant le transport des androgènes ou s’opposant à leur action périphérique.

À l’examen clinique, il ne doit en particulier présenter :

• ni obésité (IMC > 30) ;
• ni HTA (systolique > 150, diastolique > 9)
• ni acné.
Le bilan biologique suivant doit être normal : numération et formule sanguines, cholestérol HDL et LDL, triglycérides,tests de la fonction hépatique (bilirubine, phosphatases alcalines, ASAT, ALAT, gamma-GT).
Enfin, le sperme doit être considéré comme fécondant (concentration de spermatozoïdes supérieure à 15 millions/ml, mobilité (a + b) supérieure à 32 %, formes typiques supérieures à 14 %) selon les normes de l’OMS .

Quels sont les produits utilisés en CHM, sous quelle forme et quelle fréquence ?
Le traitement qui a été le plus largement utilisé est l’énanthate de testostérone (ET) en solution injectable huileuse à la dose de 200 mg injectés en intra-musculaire profonde une fois par semaine.
La durée du traitement ne doit pas excéder 18 mois.

On peut rapporter à ce sujet l’expertise de l’Organisation Mondiale de la santé (extraits d’un protocole approuvé par le groupe de toxicologie et le comité du secrétariat pour les recherches portant sur l’être humain de l’OMS) :
« L’ET à la dose hebdomadaire de 200 mg i.m. a été administré par différents auteurs lors de nombreuses études antérieures portant sur l’homme normal. Toutes ces études ont fourni une masse importante de données quant aux analyses de sperme, aux taux et aux profils hormonaux sériques et auxeffets secondaires. Les effets secondaires qui paraissent assez bien établis sont les suivants : tendance modérée à prendre du poids (2 kg en moyenne), légère augmentation de l’hématocrite(2 %) et survenue de temps à autre d’acné ou d’une gynécomastie décelable. Ces réactions ont rarement conduit les sujets à interrompre le protocole d’expérience. Rien n’indique que ce traitement entraîne une hyperplasie prostatique, et quoi qu’il en soit, les hommes inclus dans cette étude appartiennent tous à une tranche d’âge (25–45 ans) dans laquelle il n’y a guère de chance de rencontrer un dysfonctionnement prostatique. Aucun rapport ne fait état d’une toxicité grave et notamment de signes d’affection hépatique, lorsqu’on applique ce schéma reposant sur l’ET à des hommes normaux . Il y a plus de 30 ans que l’ET est commercialisé dans le monde entier. Il a été employé dans un but thérapeutique, souvent pendant des dizaines d’années, chez des milliers d’hommes hypogonadiques, en général à la dose de 250/220 mg tous les 10 à 14 jours. Aucun auteur n’a signalé que cette substance était toxique dans ces schémas thérapeutiques. »

À partir de quand un homme qui prend une CHM a-t-il atteint un état contraceptif ?
À partir du moment où la concentration de spermatozoïdes est inférieure à 1 million/ml. Cette concentration doit être obtenue entre un et trois mois de traitement. Si, à trois mois,la concentration des spermatozoïdes est supérieure à 1 million/ml, on arrête le traitement en expliquant au candidat qu’il fait partie des mauvais répondeurs pour des raisons biologiques encore mal identifiées.
Faut-il continuer à faire des examens de sperme ?
Si l’homme suit correctement son traitement, on peut se contenter d’effectuer un examen de sperme par trimestre. Cet examen rassure le couple et permet de contrôler que le traitement est correctement suivi.

Pendant combien de temps un homme peut-il se contracepter avec une CHM ?
Pendant 18 mois, suivant en cela les protocoles organisés à une large échelle par l’OMS.

Cette méthode de CHM est-elle réversible en combien de temps ?
La CHM est parfaitement réversible. Le retour au nombre de spermatozoïdes précédant le traitement se fait avec des délais variables suivant les individus. Mais la fécondité peut se rétablir très vite, dès le premier mois suivant l’arrêt du traitement. Dans notre expérience à un mois après l’arrêt du traitement,70 % des sujets avaient une concentration de spermatozoïdes supérieure à 1 million/ml dont 20 % avaient plus de 20 millions de spermatozoïdes/ml.
Cette récupération a été bien quantifiée dans une analyse portant sur 1 549 hommes. Les temps moyens pour récupérer une concentration de 20 millions/ml étaient évalués à 3,4 mois.
Quels sont les effets secondaires de la CHM ?
Ils sont bien identifiés (voir également réponse à la question 3).
Dans les conditions définies ci-dessus, les effets sont bénins. Plus précisément, dans un groupe de 157 hommes traités , on a décidé d’arrêter le traitement chez 25 des hommes (16 %) pour les raisons suivantes : acné (n = 9),agressivité, libido excessive (n = 3), prise de poids (n = 2), modification des lipides (n = 2) ou de l’hématocrite (n = 2), hypertension (n = 1), dépression (n = 1), asthénie (n = 1), aphtose (n = 1), prostatite aiguë (n = 1), pneumonie (n = 1) et syndrome de Gilbert (n = 1).

Faut-il faire un bilan annuel de contrôle au cours d’une CHM ?
Un examen clinique (destiné à évaluer l’efficacité et les effets indésirables du traitement) et biologique tous les sixmois, en l’état actuel, paraissent souhaitables. Le bilan biologique
est simple (NFS, ASAT, ALAT, gamma-GT, lipides sanguins).

J.-C. Soufir
Service d’histologie–embryologie,
biologie de la reproduction/CECOS, pavillon Cassini,
hôpital Cochin, 123, boulevard de Port-Royal,
F-75014 Paris, France
e-mail : jean-claude.soufir@svp.aphp.fr